
Les ultra riches multiplient les passeports
Publié le 14/02/2019 –


Phila Siu et Karen Zhang
S’acheter un, voire plusieurs passeports de différents pays est devenu, pour les plus fortunés, un moyen d’échapper à la fiscalité, d’avoir plusieurs nationalités et de s’assurer une plus grande liberté individuelle. Utile aussi pour échapper à la justice.

Le passeport rouge frappé en lettres d’or des mots “Royaume du Cambodge-Kingdom of Cambodia” n’est pas exactement celui avec lequel on s’attend voir passer à la douane Yingluck Shinawatra, l’ancienne Première ministre de Thaïlande.
D’autant que le document d’identité cambodgien permet d’entrer sans visa ou simplement avec un visa obtenu à l’arrivée dans seulement 54 pays – c’est l’un des passeports les moins “puissants” du monde, classé 84 sur 104 selon l’indice annuel établi par le cabinet Henley. Phnom Penh le délivre en échange d’un investissement minimum de 300 000 dollars.
Yingluck, qui s’est volontairement exilée en 2017 avant que la Cour suprême de son pays ne la condamne à cinq ans de prison pour mauvaise gestion des subventions à la riziculture, s’est servie d’un passeport cambodgien pour s’enregistrer en tant que directrice d’une société créée à Hong Kong en août 2018, selon des documents officiels.
Cette information, révélée par le South China Morning Post, renforce l’hypothèse selon laquelle elle aurait quitté la Thaïlande via le Cambodge. Elle vient aussi montrer avec quelle facilité les riches de ce monde peuvent se procurer un passeport ou un permis de résidence dans un nouveau pays, dès lors qu’ils en ont les moyens – entre 100 000 dollars et 2 millions de dollars selon la destination souhaitée.
Un sauf-conduit pratique
Dans certains cas, cela passe par une procédure officielle strictement encadrée, et notamment un examen approfondi des antécédents des demandeurs. Dans d’autres pays en revanche, on achète un passeport comme on fait du shopping en ligne, et le demandeur n’a même pas besoin de se présenter en personne. Parfois, les pots-de-vin peuvent aussi faire beaucoup.
“Certains investisseurs cherchent à devenir ressortissants d’un pays pour une vraie raison, parce qu’ils veulent y faire des affaires”, précise Benny Cheung Ka-hei, qui dirige le cabinet hongkongais Goldmax Immigration Consulting.
Et puis il y a aussi de riches Chinois qui ne savent pas quoi faire de leur argent et qui sont prêts à dépenser quelques millions de dollars pour des passeports. Un passeport étranger, c’est une protection, mais c’est de la frime aussi.”
Recherché dans son pays pour l’affaire du 1Malaysia Development Berhad (dit 1MDB, un fonds d’investissement souverain malaisien dont il aurait détourné 4,5 milliards de dollars), l’homme d’affaires malaisien Low Taek Jho, plus connu sous le nom de Jho Low, a vu son passeport invalidé – mais il se déplacerait grâce à un passeport de Saint-Kitts-et-Nevis.
Entre 850 000 dollars et 2,26 millions de dollars
Dans l’Union européenne, une vingtaine des 28 États membres commercialisent eux aussi leur permis de résidence ou leur nationalité en échange de coquets
Phila Siu et Karen ZhangA