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La rationalité de Pyongyang

Les menaces et l’embargo américains répondent aux provocations et essais militaires nord-coréens. Après avoir envoyé un porte-avions en mer du Japon, le président des États-Unis réclame un engagement plus ferme de la Chine. Si Pékin a durci les sanctions contre Pyongyang, il est peu probable que les dirigeants nord-coréens renoncent au nucléaire, devenu leur assurance-vie.
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Song Byeok. – « Notre Généralissime », 2010
La péninsule coréenne a connu un regain de tension à la suite d’un défilé militaire spectaculaire organisé par Pyongyang pour l’anniversaire de la naissance du fondateur du pays, Kim Il-sung (1912-1994), et pour celui de la fondation de l’armée populaire, conjugués à l’annonce par Washington de l’envoi d’une « armada » aéronavale en mer du Japon (mer de l’Est pour les Coréens). Les fulminations et menaces de MM. Donald Trump et Kim Jong-un, tous deux prêts, disent-ils, à en découdre, ont accru la fébrilité dans les chancelleries.
Ces flambées sont récurrentes depuis la suspension de la guerre entre le Nord et le Sud (1950-1953) par un armistice qui n’a jamais été suivi d’un traité de paix. Les menaces américaines d’intervention militaire ne datent pas d’aujourd’hui : elles furent brandies en 1969 lorsque la République populaire démocratique de Corée (RPDC) abattit un avion espion américain au-dessus de son territoire — mais le président Richard Nixon jugea le risque trop grand pour passer à l’acte. En 1994, l’option revint sur la table lorsqu’il fut confirmé que la RPDC produisait du plutonium. L’administration de M. William Clinton était prête à une attaque préventive, qui fut évitée de justesse par la visite-surprise de l’ancien président américain James Carter à Pyongyang, où il s’entretint avec Kim Il-sung. Par la suite, l’administration de M. George W. Bush menaça à plusieurs reprises la RPDC d’une attaque.
La hâte de M. Trump à rompre avec la « stratégie de la patience » (un immobilisme diplomatique assorti de sanctions) de l’administration Obama, qui n’a en rien enrayé la progression nord-coréenne en matière nucléaire et balistique, risque de lui faire commettre des erreurs d’appréciation. D’autant qu’il ignore la complexité du dossier — et même les faits les plus élémentaires de l’histoire de la péninsule, qui, selon lui, « a été autrefois une partie de la Chine (1». Une méconnaissance qui n’est guère compensée par le radicalisme de ses conseillers en matière de sécurité. La menace ou le recours à la force ne suffiront pas à eux seuls à régler le problème. Depuis sa fondation, en 1948, la RPDC tient tête aux grandes puissances : non seulement aux États-Unis, mais aussi à ses mentors d’autrefois, la Chine et l’Union soviétique. Aujourd’hui, elle fait preuve de la même farouche indépendance en défiant Washington autant que Pékin.

L’occasion manquée de 1994

Au-delà de la personnalisation de la crise, ramenée à un bras de fer entre deux dirigeants impulsifs, la phase actuelle de tension révèle l’impasse à laquelle ont conduit plus de vingt-cinq ans d’une politique — celle des États-Unis et de leurs alliés — qui, axée sur la non-prolifération, a ignoré quelles motivations poussaient les dirigeants nord-coréens à se doter de l’arme nucléaire.
Estimant qu’ils ne pouvaient compter que sur leurs propres forces, ils ont mis au point à la fin des années 1980, avec l’aide des Soviétiques, un programme nucléaire civil qu’ils ont ensuite clandestinement orienté vers un usage militaire. L’effondrement de l’URSS et l’évolution de la Chine, qui se sont traduits par une vulnérabilité accrue du pays, n’ont fait que les inciter à poursuivre leur programme, avec la coopération du Pakistan notamment. Les attaques américaines sur l’Irak, l’Afghanistan et dernièrement sur la Syrie les ont confortés dans une conviction : seule la possession de l’arme nucléaire peut leur éviter un tel sort.
Peut-être aurait-il été possible, dans les années 1990, d’obtenir de la RPDC qu’elle renonce à ses ambitions nucléaires en échange de garanties de sécurité et d’une aide économique. Tel était l’objectif de l’accord-cadre de 1994, qui prévoyait un gel de son programme de production de plutonium en échange de la normalisation des relations avec les États-Unis, de la levée des sanctions et de la fournitures de deux centrales à eau légère, comportant moins de risques de prolifération. Les Américains n’ont jamais respecté leurs engagements. Rapidement, les Coréens non plus. Ils ont cherché à se doter d’équipements pour l’enrichissement de l’uranium, tout en maintenant parallèlement l’arrêt du programme de production de plutonium sous la surveillance de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). Jusqu’à ce que M. George W. Bush, en 2002, déclare caduc l’accord de 1994 sous prétexte que le programme d’enrichissement d’uranium serait entré dans une phase opérationnelle. Ce n’était pas le cas, comme ont dû le reconnaître en mars 2007 les renseignements américains (2) — ce qui n’est pas sans rappeler la manipulation des informations des services de renseignement pour justifier l’invasion de l’Irak. Ainsi cette seconde crise nucléaire nord-coréenne a-t-elle pour origine un mensonge d’État pour aller à la confrontation dans l’espoir de faire tomber le régime. Cette stratégie a eu un effet contraire à celui recherché : libéré de l’accord de 1994, et en dépit des sanctions internationales, Pyongyang procédait à son premier essai atomique en 2006.
Aujourd’hui, la donne est différente. La possession d’une force de dissuasion est devenue un élément constitutif du pays, inscrit dans sa loi fondamentale. Et, même si des incertitudes demeurent sur ses capacités à miniaturiser des ogives nucléaires et sur ses progrès en matière de balistique, la nucléarisation de la RPDC est une réalité. En octobre 2016, l’ancien directeur du renseignement américain, M. James Clapper, n’a pas caché que faire abandonner sa force de dissuasion à Pyongyang était « probablement une cause perdue » (Agence France-Presse, 26 octobre 2016).
La politique américaine n’a qu’une obsession : la non-prolifération, et se berce de l’idée que le régime doit s’effondrer. Bien que démentie par les faits depuis vingt ans, cette arrière-pensée est à l’origine d’une stratégie de court terme oscillant entre dialogue et confrontation, alors que celle de Pyongyang s’inscrit dans une perspective de long terme.
La RPDC a procédé à cinq essais nucléaires, et un sixième semble probable. Depuis la seconde crise déclenchée par M. Bush, les programmes nucléaires et balistiques nord-coréens ne sont plus — s’ils l’ont jamais été — une monnaie d’échange dans une négociation : ils relèvent d’une nécessité stratégique. Renoncer à son armement serait suicidaire pour le régime : non seulement il ne pourrait plus justifier les souffrances imposées à la population pour privilégier la défense du pays au détriment de son bien-être, mais surtout il deviendrait vulnérable à une attaque extérieure, comme l’Irak.
À partir du constat d’échec de la politique menée par les États-Unis et de la nécessité pour le régime nord-coréen de conserver une force de dissuasion, quelle est la position dans cette crise des protagonistes régionaux, les deux Corées et la Chine ?
Qualifié à satiété d’irrationnel et d’imprévisible, le régime de Pyongyang suit une ligne politique dont il ne s’écarte pas. Il entend être reconnu comme une puissance indépendante, dotée de l’arme nucléaire ; obtenir des garanties de sécurité ; normaliser ses relations avec Washington, ouvrant ainsi la voie à une reconnaissance internationale ; s’extraire du chaos économique en accélérant les réformes mises en place au cours des dix dernières années et surtout depuis l’arrivée au pouvoir de M. Kim Jong-un (3). Celles-ci ont permis l’apparition d’une économie hybride qui mêle planification et initiative privée. En témoigne la fulgurante transformation de Pyongyang, hérissée de gratte-ciel, percée de nouvelles avenues et dotée de centres commerciaux, restaurants et parcs d’attractions (4). Une amélioration moins spectaculaire mais perceptible également en province, bien que persistent des pénuries.
Ce redressement économique est essentiel à la stabilité du régime. M. Kim Jong-un a éliminé brutalement toute opposition interne éventuelle, et il tient en main le pays. Les tensions et l’adversité le servent : animée d’un patriotisme viscéral, propre aux Coréens en général mais poussé à l’extrême en RPDC, la population est entretenue dans une mentalité d’assiégé permanent. Les menaces de bombardements préventifs ne font qu’aviver son sentiment d’insécurité.
Autre constance de la politique nord-coréenne : l’affirmation de l’indépendance nationale, qui signifie le rejet de la séculaire relation tributaire de la péninsule vis-à-vis de la Chine. Il est facile — et pas complètement faux — de faire porter à Pékin, comme le fait Washington, la responsabilité de l’échec de la politique de sanctions frappant la RPDC. La Chine les vote certes au Conseil de sécurité, mais elle les applique avec modération.
Toutefois, si les relations se situaient autrefois dans le registre des « rapports entre pays frères », elles n’ont jamais été d’une cordialité à toute épreuve. La génération des compagnons d’armes de la guérilla contre l’occupant japonais puis de la guerre de Corée (1950-1953) a disparu — même à l’époque, de vieilles rancunes planaient sur l’amitié proclamée. Désormais, les relations sont fondées sur les intérêts des deux parties. La normalisation entre Pékin et Séoul à partir de 1992 l’a montré, au grand dam de Pyongyang.
La Chine, qui est de loin le principal partenaire commercial de la RPDC, dispose certes de moyens de pression, mais elle a aussi d’autres priorités que les États-Unis. Pyongyang en joue : les dirigeants chinois ne sont pas favorables à une Corée nucléaire, mais ils veulent encore moins l’étrangler et la placer dos au mur. Son effondrement comporterait plusieurs risques : une guerre civile à leur porte, un afflux de refugiés qui pourrait déstabiliser la région frontalière de Yanbian, où vit une importante minorité d’origine coréenne, et surtout une éventuelle réunification sous l’égide de la Corée du Sud — ce qui signifierait la présence à sa frontière d’un allié des États-Unis, voire des forces américaines elles-mêmes. En 1950, la Chine a perdu un million d’hommes pour repousser les forces alliées (américaines) arrivées sur le fleuve Yalou (Amnok en coréen). Il est peu vraisemblable qu’elle accepte plus facilement aujourd’hui ce cas de figure.

Intérêts chinois contradictoires

Pékin n’a certes rien à gagner à une déstabilisation de la région, et le président chinois Xi Jinping se montre plus ferme vis-à-vis de Pyongyang. Il a suspendu début avril des importations de charbon (même si les échanges commerciaux d’autres produits augmentent). Des voix se font entendre dans le milieu intellectuel chinois pour critiquer toute modération vis-à-vis de Pyongyang. C’est le cas de l’historien de la guerre de Corée Shen Zhihua, de l’université de Shanghaï, qui, dans une conférence en mars à Dalian, a déclaré que la RPDC était désormais « un facteur de déstabilisation à la frontière de la Chine » mettant en danger « les intérêts nationaux fondamentaux » de celle-ci. Une opinion de poids, qui montre aussi que la question coréenne figure parmi les rares sujets de débat autorisés par le pouvoir. Mais ces critiques ont-elles un impact sur la direction du parti et la hiérarchie militaire ? Au renforcement (modéré) des sanctions chinoises, Pyongyang a répondu par une salve d’attaques verbales d’une virulence inconnue depuis la Révolution culturelle, par de nouveaux tirs de missiles et par le refus de recevoir des émissaires de Pékin. Bravade ?
Pour l’instant, la politique chinoise demeure inchangée : les États-Unis et la Corée du Nord doivent négocier. Washington veut faire plier la RPDC par la force ; Pékin veut la faire évoluer économiquement en l’intégrant dans le développement régional et réduire ainsi progressivement le risque de déstabilisation qu’elle représente. Ce qui suppose de ne pas faire de la question nucléaire une priorité et de la traiter dans le cadre d’une négociation globale, alors que les États-Unis exigent comme condition préalable à toute négociation que Pyongyang renonce à son arme nucléaire.
À ces inconnues s’en ajoute une autre : la position de la Corée du Sud après l’élection présidentielle du 9 mai. La ligne dure adoptée par la présidente destituée, Mme Park Geun-hye, n’est pas celle du candidat d’opposition le mieux placé, M. Moon Jae-in, partisan d’une reprise du dialogue avec Pyongyang et d’une renégociation de l’accord de déploiement du bouclier antimissile américain (Thaad) en Corée du Sud, qui ulcère Pékin. Jusqu’à ce scrutin, le vide politique à la tête de l’État prive Séoul de toute initiative. Après, les États-Unis risquent d’être à contrepied de leur allié sud-coréen. D’autant plus que la fausse information de l’envoi de l’armada aéronavale américaine au large de la péninsule a courroucé l’opinion au Sud.
Toute politique visant à calmer les tensions suppose de prendre en compte trois paramètres : les dirigeants nord-coréens ne sont pas irrationnels mais déterminés à prendre des risques ; le régime n’est pas en train de s’effondrer ; il ne renoncera pas à son arme nucléaire. Autre élément que Washington doit avoir en tête : toute attaque de la RPDC serait suivie d’une réplique de Pyongyang. Or Séoul se situe à cinquante kilomètres des batteries nord-coréennes, et les bases militaires américaines à Okinawa (Japon), à portée de ses missiles. La marge de manœuvre s’avère étroite et les risques sont grands.

Philippe Pons

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